Actes Colloque > Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche

Merci, j'espère ne pas avoir à répéter des choses qui viennent d'être dites. Je commence par d'abord le plaisir d'être ici mais, beaucoup plus que le plaisir, la conviction que c'est un moment extraordinairement important que cette journée de travail.

Premier point, on peut s'étonner qu'il ait fallu autant de temps pour qu'une telle rencontre que je qualifierai d’évidente ait lieu ici car la rencontre entre ATD Quart Monde, le CNRS et le Cnam a pour moi la force de l'évidence.

ATD Quart Monde, association qui a quand même de longues années d'expérience, a la particularité d'être dans le champ social une association qui réunit des bénévoles très engagés dans l'action et qui réfléchissent.

Les bénévoles d'ailleurs de toutes les associations qui s'engagent réfléchissent.

Mais ATD a placé l'exigence de réflexion sur ses propres pratiques depuis ses premières heures à un niveau particulièrement élevé. Il y a dès l’origine cette idée qu'on fait mais qu’on réfléchit à ce qu'on fait et qu’on se pose des questions qui vont bien au-delà de son engagement. C'est vrai pour l'institution, mais c'est vrai, pour avoir côtoyé bon nombre d'entre eux dans des activités diverses que j'occupais il y a quelques années, que chacun des militants de cette association a cette identité particulière.

Le CNRS en France souffre de plusieurs injustices.

La première c’est que c’est le premier organisme de recherche du monde. Personne ne le sait, trop peu de gens le savent et comme les gens du CNRS sont des gens modestes, eux-mêmes ne le rappellent pas assez, il n'y a pas d'arrogance particulière à en tirer, mais la nécessité de toujours rappeler que dans le patrimoine scientifique français cette institution est une institution de rayonnement international des sciences françaises,

La deuxième c'est que quand on pense CNRS, pas ici dans cette salle, mais quand on interroge les gens, ils parlent de physique, chimie, sciences dites dures, or le CNRS c'est un remarquable organisme de recherche en sciences humaines et sociales, avec, je le dis ici sans flatter personne, ils se reconnaîtront, avec une exigence particulière plus marquée ces dernières années encore sur l'accessibilité des sciences sociales au grand public, un travail sur la sémantique, sur les mots qu'on utilise en sciences humaines et sociales qui parfois éloignent les citoyens de cet univers et une volonté finalement de redescendre d'un piédestal qui tout particulièrement pour les sciences humaines et sociales n'a pas lieu d’être.

Le Cnam c'est l'interface entre des mondes différents, ici l’associatif, la recherche, les pouvoirs publics et à un autre moment la vie économique, professionnelle, l’entreprise et les savoirs académiques, c'est un marieur le Cnam.

Et vous voilà enfin réunis dans ce lieu comme une évidence qui a mis longtemps à cheminer, mais qui a la force corrosive je l’espère de toutes les évidences.

Deuxième point, de mon point de vue et en ces temps particuliers, le problème numéro un du pays, c'est la fabrique des décisions publiques.

C’est simple si je résume ce que je crois concevoir de notre vie publique, quelle que soit l'option politique que vous faites rentrer dans la machine, premièrement il en ressort quelque chose qui n'a rien à voir avec ce qui va se faire après et deuxièmement à peu près toujours la même chose, il y a une autonomisation de la machine à décider pour une raison qu'on ne va pas développer là, extraordinairement forte qui explique ce que trop de français vivent comme une paralysie de la puissance publique.

Des démarches comme les vôtres, cette journée, qui sont des démarches de revitalisation au sens premier du terme d'une partie de la machine à décider, en l'occurrence celle qui porte principalement sur l'élaboration des politiques publiques, qui peut aussi porter sur l'évaluation, je crois que vous y travaillez cet après-midi mais ces démarches-là sont typiquement des démarches qui peuvent permettre de rénover cette fabrique à décider sans lesquelles la défiance persistante que nos concitoyens ont à l’égard de la décision publique perdure. Et notre présence ce matin, conjointe avec Ségolène, c'est la conviction que ce que vous faites est vraiment vital au sens premier du terme, vous remettez, par la co-production scientifiques et acteurs associatifs, dans cette machine, à un endroit stratégique, la phase d'élaboration des politiques publiques, vous la revitalisez, vous y remettez de la vie, une brique seulement de tout ce qu'il y a à réformer dans la longue chaîne de la fabrique des politiques publiques mais c'est une chaîne absolument essentielle.

Troisième point: l'excellence. Les sciences participatives ce n'est pas un club, ce n'est pas une amicale de gens pleins de bonnes intentions, associatifs et chercheurs, qui se disent qu’il faut bien qu'on fasse quelque chose ensemble parce que ça va mal. Non, c’est de la science, la recherche participative c’est de la Recherche avec « R » majuscule c'est donc des processus, des méthodologies, des exigences, des certifications qualités tout au long de la production, qui sont essentielles.

Et là aussi je me réjouis de votre programme notamment des ateliers de cet après-midi qui prennent les choses vraiment par le bon bout. Les chercheurs ne sont pas là pour faire plaisir aux associatifs, les associatifs pour donner des idées aux chercheurs, ils sont là ensemble pour produire de la science, de la science qui soit reconnue comme telle, qui soit reconnue nationalement et internationalement comme telle, et donc il faut mettre au plus haut le degré d'exigence, d'excellence et c’est-ce que vous avez décidé de faire.

Quatrième et dernière chose très simple, l'objet particulier qu'est la pauvreté par rapport à ces ambitions- là. On retrouve-là ce que je le disais sur l'importance des mots. Le mot même de pauvreté, induit déjà une distance.

Le pauvre, entre l'ambition de faire participer à la production scientifique et plus généralement à la définition des politiques publiques, et la réalité quand on qualifie quelqu'un de pauvre, et c'est comme ça qu’il s'appelle, mais on voit bien que finalement on le met à distance. Il est à distance naturellement lui-même, il est privé de moyens, il est privé de possibilités, très souvent de parole et parfois de regard, mais le qualifier de pauvre, c’est le mettre à distance. Chaque mot compte surtout quand on a une démarche scientifique, mais surtout ce qui compte c'est l'objectif.

Vous êtes ici pour mieux comprendre ensemble, pour éradiquer, pour lutter contre ce mécanisme séculaire, multiséculaire, qui n'est pas que français, qui fait que des pauvres il y en a beaucoup, partout, depuis longtemps, et on ne peut pas se résigner à ça. C'est donc une compréhension branchée sur une volonté politique au sens noble du terme de préparation à une action beaucoup plus performante mais aussi à des réformes de structure car il y a des raisons qui expliquent la pauvreté. C'est cela que vous voulez faire ensemble.

Je voudrais en conclusion répondre à Mme la Présidente qui, dans son propos, disait comment on peut pérenniser cela. Peut-être que vous allez en chemin aujourd'hui répondre à cette question. En tous les cas avec Ségolène Neuville si on peut vous y aider, si on peut faire de cette démarche aujourd'hui une démarche durable, qui réponde aux principes de la science, de la recherche, si on peut consolider des outils ou des moyens de recherche dans ce domaine, on le fera, soyez assurés de ça. Merci.

Personnes connectées : 1